1. Définitions
Un barrage est un ouvrage artificiel (ou naturel),
généralement établi en travers d'une vallée, transformant en
réservoir d'eau un site naturel approprié.
Si sa hauteur
est supérieure ou égale à 20 m et la retenue d'eau supérieure à 15
millions de m3, il est appelé "grand barrage".
Dans une cuvette qui doit être géologiquement
étanche, le barrage est constitué (voir Fig.
l): - d'une
fondation : étanche en amont, perméable en aval ; -
d'un corps, de
forme variable ; - d'ouvrages annexes : évacuateurs de crue,
vidanges de fond, prises d'eau...
Les barrages ont
plusieurs fonctions, qui peuvent s'associer: - régulation de cours d'eau
(écréteur de crue en période de crue ; maintien d'un
niveau minimum des eaux en période de sécheresse) ; - irrigation des
cultures ; - alimentation en eau des villes ; - production d'énergie
électrique ; - retenue de rejets de mines ou de chantiers
; - tourisme, loisirs ; - lutte contre les
incendies...
2.
Statistiques
Dans le monde
:
- 35.000 à 40.000 barrages d'une hauteur supérieure
à 15 m (dont la moitié en Chine) : 80% sont inférieurs à 30 m ;
1% est supérieur à 100 m. - Entre 1959 et 1987, 30 accidents
de barrages ont été recensés, faisant 18.000
victimes. En
France :
- 89 "grands barrages". - 2 accidents
: en 1895, à BOUZET : 100 morts
; en 1959, à MALPASSET : 421 morts, 155
immeubles entièrement détruits, 1000 hectares de terres
agricoles totalement sinistrés, 2 milliards de francs de
dégâts.
Les
barrages étant de mieux en mieux conçus, construits et
surveillés, les ruptures de grands barrages sont des
accidents rares de nos jours. En France une réglementation
spécifique leur est
appliquée. | 3. La connaissance du risque
Nous avons vu au début de cet ouvrage que le risque
est la confrontation d'un aléa avec des enjeux.
3.1.
L'ALEA
A la suite de la rupture d'un barrage, on
observe en aval, une inondation catastrophique, précédée par le
déferlement d'une onde de
submersion, plus ou moins importante selon le type de
barrage et la nature de la rupture.
3.1.1. Les différents types de barrages
Barrages artificiels
- Barrages en remblais (matériaux meubles ou
semi-rigides)
Ce sont les plus nombreux (83% ) avec
risque de rupture progressive (formation de fissures, fuites,
renards...). , - Enrochement avec masque amont bétonné
(Naussac) (voir Fig. 3). - Homogène en terre compactée :
rare (Font-Romeu). - Hétérogène à noyau central argileux
compacté (Grand-Maison) (voir Fig. 4).
- Barrages en maçonnerie ou en béton
Moins
nombreux (17%), plus résistants, la rupture y est plus
rapide. - Barrage poids (voir Fig.
5) Massif, il s'oppose par son poids à la pression
des eaux (Génissiat). - Barrage à voûte simple ou multiple
(voir Fig. 6) Sa forme incurvée
transmet la poussée de l'eau aux rives sur lesquelles il
s'appuie (Tignes). - Barrage poids-voûte
(Bort-les-Orgues) - Barrage à contreforts
(voir Fig. 7) Pour les vallées larges, la
poussée de l'eau étant transmise aux fondations dans
lesquelles sont ancrés les contreforts (Roselend).
|
| Barrages naturels
Causés par l'accumulation de matériaux à la suite de
mouvements de terrain, ils peuvent se rompre secondairement et
créer une vague déferlante en aval ; c'est pourquoi actuellement,
les mouvements de terrain de la Clapière (risquant de barrer la
Tinée) et de Séchilienne (la Romanche) sont très surveillés (voir
le risque "Mouvement de Terrain")
3.1.2. Les causes de rupture
Elles peuvent être d'origine :
- technique : vices de conception, de
construction, de matériaux (géologie, fondations, sous-pressions
hydrauliques, renards, drainages...) : 33% des accidents ;
- naturelle : crues exceptionnelles,
inondations (33% des accidents), mouvements de terrain et
éboulements dans le lac de retenue, séisme (auquel les barrages
résistent relativement bien) ;
- humaine
: erreurs d'exploitation, de surveillance et d'entretien,
malveillance, sabotage, attentat, guerre (en principe il s'agit
d'un ouvrage protégé par les conventions de Genève).
Chaque
ouvrage est soumis à de nombreuses forces. Un ouvrage n'est
pas inerte, il vit, travaille et se fatigue. De son état va
dépendre la sécurité des populations de la
vallée. |
3.2. LES
ENJEUX
Ils sont de trois ordres : humains, économiques
et environnementaux. L'onde de submersion occasionne d'énormes
dommages par sa force intrinsèque. L'inondation et les matériaux
transportés, issus du barrage et de l'érosion intense de la
vallée, causent des dommages considérables :
- effets sur les
hommes : noyade, ensevelissement, personnes blessées,
isolées, déplacées ;
- effets sur les
biens : destructions, détériorations et dommages aux
habitations, aux ouvrages (ponts, routes...), au bétail, aux
cultures ; paralysie des services publics...
- effets sur
l'environnement : endommagement, destruction de la
flore et de la faune, disparition du sol arable, pollutions
diverses, dépôts de déchets, boues, débris..., voire accidents
technologiques dus à l'implantation d'entreprises dans la vallée
(déchets toxiques, explosions par réaction avec l'eau...).
3.3. LA CARTE DU RISQUE
A partir de
simulations sur ordinateur, on détermine à l'avance, dès le projet
de construction, quelles seront les caractéristiques de l'onde de submersion
: hauteur de l'eau, vitesse, horaire de passage de l'onde,
amortissement... en tout point de la vallée, en y faisant figurer
les enjeux et les points sensibles (hôpitaux, écoles...), tous
renseignements indispensables à l'établissement des plans de
secours et d'alerte.
4.
Prévention, protection
La prévention des risques et la protection des
populations nécessitent que soient prises des mesures collectives
et individuelles.
4.1. LA SOCIÉTÉ FACE AU
RISQUE
Le risque de rupture brusque et imprévue reste
extrêmement faible. La situation de rupture parait plutôt liée à
une évolution plus ou moins rapide d'une dégradation de l'ouvrage.
Cela souligne l'importance de la surveillance, de l'alerte et des
plans de secours.
4.1.1. Surveillance et contrôles
La réglementation française oblige à assurer
un contrôle avant, pendant (comité technique permanent des
barrages) et après la construction des barrages : lors de la 1ére
mise en eau, puis régulièrement, par l'exploitant et par les
services de l'état (visite annuelle à retenue pleine ; visite
décennale des parties noyées, généralement à retenue vide,
c'est-à-dire en vidant le barrage).
Une révision spéciale
est faite pour les barrages anciens, et tous les barrages
répertoriés à risques ont un contrôle permanent.
4.1.2. Les plans de secours et
d'alerte Chaque grand barrage fait l'objet
d'un plan particulier d'intervention (PPI) qui précise les mesures
destinées à donner l'alerte aux autorités, aux populations,
l'organisation des secours et la mise en place de plans
d'évacuation. Le P.P.I. découpe la zone située en aval d'un
barrage en plusieurs zones : zone de sécurité immédiate dite zone du quart
d'heure (voir Fig. 8) et zones d'alerte plus
éloignées.
Ce plan prévoit plusieurs niveaux d'alerte.
- vigilance
renforcée : surveillance permanente par l'exploitant
et liaisons spéciales avec les autorités.
- Alerte
n°1 : préoccupations sérieuses (cote maximale
atteinte, faits anormaux compromettants...) ; alerte aux
autorités.
- Alerte
n°2 : danger imminent (cote > cote maximale...).
Alerte aux populations de la zone du quart d'heure par sirènes
du type "corne de
brûme" ; évacuation immédiate.
- Alerte
n°3 : rupture constatée partielle ou totale.
- Fin
d'alerte : émission sonore continue de 30 secondes.
Le facteur temps est primordial. L'ampleur du
sinistre dépend de la rapidité des
réactions. | Ceci souligne
l'importance de la surveillance, de la formation du personnel
(simulation...), de l'essai régulier des sirènes (les premiers
mercredis des mois de mars, juin, septembre et décembre, pendant
12 secondes à 12 h 15) et de l'information préventive de la
population exposée au risque.
4.2. L'INDIVIDU FACE AU
RISQUE
Les consignes
générales sont applicables, à l'exception du confinement remplacé par
l'évacuation ; les autres consignes particulières sont
les suivantes :
Avant :
- connaître le système spécifique d'alerte pour la zone du
quart d'heure.
- connaître les points hauts sur lesquels on se réfugiera
(collines, étages élevés des immeubles résistants : voir le
PPI), les moyens et itinéraires d'évacuation.
Pendant :
- Reconnaître le système d'alerte. Il s'agit d'une corne de brûme
émettant un signal intermittent pendant au moins 2 min, avec des
émissions de 2 s, séparées d'interruptions de 3 s.
- Gagner le plus rapidement possible les points hauts cités
dans le PPI.
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